L'odyssée du dirigeant, un périple en 6 étapes

Ces 6 étapes ont été codesignées lors du séminaire tenu à TheCamp en novembre 2018.

Elles suivent le fil de narration établi par Joseph Campbell – un mythologue américain, professeur et écrivain – qui a mis en évidence dans les années quarante le schéma commun à nombre de récits à travers le monde : le voyage du héros.

Le héros évolue dans son monde ordinaire. Il se rend compte qu’il doit faire face à un problème, relever un défi ou entreprendre une aventure. Cet appel fait prendre conscience au héros qu’il doit initier sa quête.

1 Entendre l’appel…

C’est un moment clé, celui où le dirigeant perçoit toute l’ampleur que prend le digital.

Pas un jour ne se passe sans qu’il en entende parler : foisonnement d’événements, formulation de nouvelles attentes de la part de ses clients, évocations multiples des réussites ou menaces que représentent les GAFA… Ses pairs l’interpellent : « Que fais-tu dans le digital ? ». Son DSI discute avec lui de nouvelles technologies.

Le dirigeant s’interroge : de quoi il retourne ? Comment cela se traduit pour son entreprise : nouveaux outils, changement de business model, nouveaux relais de croissance, changement culturel, une autre manière d’exercer le métier au quotidien ?

Son état d’esprit est déterminant. Il veille à son comportement et à sa posture : être à l’écoute, rester humble, savoir se remettre en question et allouer du temps à des investigations.

Il prend conscience qu’il lui faut s’organiser de manière volontariste pour être à même de capter les signaux externes et de comprendre ce qui se passe hors les murs de son entreprise : rencontrer d’autres dirigeants, des concurrents, des start-up, des clients et des fournisseurs, dans une logique d’inspiration et de projection.

Une rencontre peut s’avérer déterminante et déclencher un véritable « Eurêka ! », une prise de conscience de ce que le digital peut radicalement transformer dans les manières d’opérer le business au quotidien.

Les dirigeants qu’il a rencontrés en témoignent : même si tout va bien, que les résultats restent positifs, le moment est venu d’enclencher la transformation digitale.

Notre héros-dirigeant doit désormais se lancer dans l’aventure. Et souvent avec un sentiment d’urgence.

Sur le vif

Il est plus facile d’enclencher la réflexion quand tout va bien. Malheureusement, on y pense souvent quand ça commence à aller mal Le digital n’est pas un but en soi, mais un formidable moyen au service de la stratégie Un seul conseil au dirigeant qui n’a pas commencé : « vas-y, dépêche-toi, saisis ta chance » Le changement de dirigeant est souvent un déclic, non parce qu’il est meilleur, mais parce qu’il a un regard neuf Il faut savoir écouter les signaux faibles avant d’être contraint par les signaux forts On a vécu « un effet Eurêka » en regardant ce qui se fait ailleurs

Le héros hésite à répondre à l’appel par peur de l’inconnu. Il fait alors ses premiers pas pour mieux comprendre ce qu’on attend de lui et recherche des alliés qui le conseillent et le rassurent. L’aventure peut et doit désormais avoir lieu.

2 Lever les doutes pour répondre à l’appel

La prise de conscience est amorcée.
Le dirigeant fait maintenant preuve de conviction pour embarquer toute son entreprise dans l’aventure.

Malgré une première prise de conscience, tous les collaborateurs doutent encore. Pourquoi et comment changer des modes de travail qui ont fonctionné depuis tant d’années ? La réticence est forte.
Le dirigeant doit convaincre qu’il n’y a pas d’autres choix que de se lancer dans une grande transformation. Il lui faut lever les doutes et fixer le cap afin d’embarquer toute l’organisation.

Bien définir et comprendre ce que « transformation digitale » veut dire.
Ce n’est pas qu’un sujet de nouvelles technologies, que l’on peut traiter en se limitant à des initiatives « gadget/buzz ». C’est une profonde évolution de la manière de « faire du business », avec à la clé une refonte des modes de fonctionnement et des compétences.
Dans cette révolution, le client est premier, voire il devient une obsession : c’est à partir de ses besoins qu’il faut définir la vision et dessiner la feuille de route.
Ce partage du sens est essentiel pour mettre l’entreprise en mouvement.

Réussir les premiers pas pour susciter l’adhésion.
L’enjeu est de taille. Il faut rapidement concrétiser la vision et mettre les collaborateurs en mouvement. Des démarches comme le POC (Proof Of Concept), les expériences pilotes ou les approches itératives rendent tangibles de premiers résultats. Ce sont des quick wins propres à lever les doutes qui peuvent persister chez les managers et les équipes opérationnelles. Ils rassurent et démontrent qu’il n’y a pas d’autre choix.

Cheminer par cercles concentriques.
Le dirigeant ne peut agir seul, il a besoin d’alliés et de partenaires pour réussir.
C’est en embarquant un premier cercle dans son entreprise et au dehors (ex : start-up agiles pour des pilotes) qu’il va pouvoir faire émerger des initiatives et créer l’effet d’entrainement qui va impliquer petit à petit un deuxième puis un troisième cercle de contributeurs engagés au service de la réussite collective.

Les collaborateurs intègrent les enjeux… les premiers tests et succès concrétisent la vision et la volonté du dirigeant… l’ETI est désormais prête à se lancer.
Notre dirigeant-héros sait qu’il lui faut maintenant structurer son approche pour aller plus loin.

Sur le vif

Démarrer par quelque chose qui fait sens pour nos clients avant tout, sans nous soucier du ROI Certains s’engagent avec le coeur, d’autres avec des chiffres Si le dirigeant n’est pas en première ligne, qui le sera ? La transformation digitale doit être connectée à la vision de l’entreprise. Elle ne doit pas se limiter à un site e-commerce ou à empiler les buzz words La communication n’est pas une option La mise en oeuvre est collective mais l’impulsion vient bien du dirigeant La transformation digitale doit se vivre de manière offensive pour être un avantage compétitif, non de manière défensive

Le héros a surmonté sa peur et s’implique complètement dans l’aventure en pénétrant dans le monde extraordinaire de l’histoire. Il prend en main la résolution du problème représenté par l’Appel. L’histoire prend une nouvelle dimension.

3 Franchir le seuil (de non retour) de l’aventure

C’est une étape décisive, celle où l’eti s’éloigne pour de bon de son monde ordinaire pour se transformer en profondeur

C’est le moment où le dirigeant se lance pleinement dans la bataille : il structure son plan d’action, enclenche les premiers investissements, réalise les premiers arbitrages et fait face à des premières situations non envisagées.
L’ETI doit alors être mobilisée à grande échelle. Elle doit franchir un seuil et se projeter dans l’aventure.

Un acte fondateur : la roadmap digitale.
C’est la colonne vertébrale sur laquelle le dirigeant va s’appuyer pour :
> donner le bon tempo à la transformation, en articulant les projets avec la juste dose d’intensité, en compatibilité avec le rythme des équipes engagées au regard de leurs autres prérogatives,
> décider sur le niveau de prise de risque associé à la mise en oeuvre,
> arbitrer sur la priorisation des projets et les investissements associés.

Le passage à l’échelle.
À cet instant, le dirigeant d’entreprise s’attache à mobiliser ses équipes à grande échelle dans l’organisation, au-delà des équipes impliquées précédemment dans les phases pilotes.
La stratégie de communication fait alors l’objet d’un soin tout particulier. C’est le moment où le dirigeant réaffirme clairement et inscrit « dans le marbre » la vision, le moment où il ancre dans les esprits la nécessité de mener jusqu’au bout la transformation initiée. L’objectif est de tenir ses engagements initiaux et de combattre les tentations de retour en arrière.

Les jalons sont posés, les moyens définis. Notre dirigeant-héros a bel et bien lancé son ETI dans l’aventure.
Désormais, pour tenir le cap, il a besoin de s’entourer et s’équiper pour vaincre les différents obstacles qui vont barrer la route.

Sur le vif

Passer du temps sur ce qui est important, pas uniquement sur ce qui est urgent Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin Eviter à tout prix le grand programme « usine à gaz » Prend-t-on assez le temps d’expliquer les opportunités plutôt que les challenges ? Si l’ambition est forte mais le budget faible, on se sabote CDO : oui ou non ?
C’est le moment de se poser la question
Il faut savoir concilier le temps du digital et de l’humain Il faut susciter l’adhésion avant de susciter l’enthousiasme

Le héros est décidé à affronter les problèmes et se confronte à diverses épreuves qui lui permettent de comprendre les règles du jeu de ce monde extraordinaire. Le héros s’approche du coeur de sa quête, caché dans une caverne, souvent quartier général de son plus grand ennemi.

4 S’entourer et s’équiper pour accomplir son dessein

La transformation devient l’affaire de tous, celle de l’entreprise et celle de son écosystème.

Maintenant, le dirigeant comme ses équipes apprennent « en marchant ».
L’ETI se renforce et se professionnalise sur le digital, mais c’est un sujet relativement nouveau pour elle et en permanente évolution. C’est pourquoi le dirigeant est souvent amené à associer des partenaires externes aux compétences internes pour franchir les obstacles qui se trouvent sur son passage.

Se doter d’un véritable écosystème digital.
Pour grandir et évoluer, la transformation interne et la collaboration avec les prestataires sollicités pour mettre en oeuvre la roadmap ne suffisent pas. L’ETI doit se doter d’un véritable écosystème digital externe : start-up, universités, technologies innovantes…

La logique partenariale n’est pas purement transactionnelle.
Là aussi il faut faire preuve d’innovation pour proposer des alliances dans lesquelles chacun trouve son intérêt.

Saluer les étapes franchies ensemble.
Pour maintenir l’adhésion et l’enthousiasme des équipes, il faut savoir reconnaître les succès et les étapes franchies, montrer à travers des bilans réguliers que l’objectif exprimé dans la vision est maintenant à la portée de l’entreprise.

Désormais, la transformation digitale est ancrée au sein de l’organisation, au-delà des équipes digitales proprement dites. À mesure qu’elle prend de l’ampleur, elle devient l’affaire de tous.
Le quotidien s’est transformé en business-as-usual « augmenté » qu’il faut continuer à faire vivre à un rythme soutenu.

C’est à ce moment de l’aventure que notre dirigeant-héros va être confronté à de nouveaux obstacles qui pourraient bien complexifier le quotidien des projets et ralentir l’atteinte des prochains objectifs.

Sur le vif

Tôt ou tard, les indicateurs projets et ceux du run doivent fusionner Recruter des plus jeunes, car on en a besoin 5 ans plus tard ! Chacun doit s’interroger sur ce que le digital peut apporter à son activité, à son niveau À un moment, on arrête les pilotes et on rapproche les cultures C’est une course par étapes : l’objectif est à long terme mais il repose sur une succession de petites victoires

C’est une étape durant laquelle le héros se prépare à l’ultime épreuve. Le héros va devoir affronter ses plus grandes peurs afin d’aller au bout de son voyage. Il s’agit d’un moment de crise, du moment central de l’histoire. Le héros va devoir le surmonter afin d’en ressortir plus fort.

5 Faire face à l’épreuve ultime, au moment de vérité

À ce moment de l’aventure, le dirigeant a des obstacles à franchir pour asseoir la réussite de la transformation.

S’il réussit à les surmonter, il pourra réaffirmer son leadership, ancrer la dynamique collective et avancer sur le chemin de la réussite.

Le premier piège « classique » : le rythme.
Plus exactement, l’inadéquation du rythme de la transformation digitale avec celui de l’entreprise. En effet, la vitesse est souvent un élément sous-jacent de l’innovation technologique. Cependant, il ne faut pas négliger la capacité d’absorption des collaborateurs et veiller à trouver le bon tempo pour éviter de créer un fossé au sein des équipes.

Deuxième écueil : l’allocation des ressources financières.
La transformation digitale requiert un investissement significatif, dont le ROI apparaît au départ moins évident que ceux du coeur de business historique.
« Choisir c’est renoncer » : le dirigeant est placé dans un dilemme cornélien opposant les affaires courantes et la transformation digitale. L’allocation budgétaire doit être réalisée de manière structurée et concertée, d’autant plus que le digital challenge le dirigeant sur sa capacité de prise de risques.
Les technologies constituent l’une des poches de dépenses majeures. Les choix doivent se faire de manière dépassionnée et rationnelle, en veillant à l’évolutivité des technologies retenues, à leur compatibilité avec le reste de l’écosystème et surtout au regard d’une équation bénéfices / coûts dont on sait qu’elle peut fortement varier en l’espace de quelques mois.

Troisième obstacle : la résistance au changement, le plus impalpable mais aussi le plus dangereux.
L’un des fondamentaux de la sociodynamique qui consiste à s’appuyer sur ses alliés – les ambassadeurs de la transformation digitale – plutôt que de convaincre ses détracteurs doit guider le dirigeant.
De plus, son engagement en première ligne démontre à la fois l’importance et le caractère inéluctable de la transformation.

Par ailleurs, en développant la culture du droit à l’erreur, de la prise d’initiative et de la transparence, le dirigeant va à la fois rassurer les équipes engagées et garantir que les petites embûches ne se transformeront pas en « dragons ».

Notre dirigeant-héros a pris en compte ces risques au plus tôt. Il a ajusté l’organisation de l’ETI en conséquence, ainsi que ses modes de fonctionnement.
Il a contribué à la rendre plus forte et capable d’affronter les prochaines étapes, toujours plus complexes et plus nombreuses.

Sur le vif

Accepter les échecs – oui.
L’obstination – non
Succeed or fail fast Le vrai symbole du Test & Learn, c’est quand le dirigeant admet qu’il s’est trompé Il faut traquer les « projets pastèques », dont les indicateurs sont au vert en apparence, mais qui en réalité sont rouges avec plein de pépins dedans En cas de crise, il n’y a que deux voies : relégitimer les chefs de projet ou les sortir Beg for the bad news

Après avoir survécu à l’épreuve suprême, le héros prend enfin possession du trésor qu’il recherchait. Plus rien n’est comme avant. Le héros a changé. Il s’agit souvent d’un moment où il se retourne pour contempler le chemin parcouru. Il n’est pas encore hors de danger mais aux prises avec les conséquences de sa victoire. Le héros regagne le monde ordinaire en rapportant l’élixir (trésor ou leçon issu du monde extraordinaire).

6 Atteindre sa quête et revenir dans un monde augmenté

C’est alors que le dirigeant peut se retourner sur le chemin parcouru et apprécier les victoires

Après avoir surmonté de multiples obstacles et vécu de multiples rebondissements, le dirigeant constate que de grandes étapes ont été franchies, que de nombreux objectifs initiaux ont été atteints et que son entreprise n’est plus tout à fait la même.

Les nouvelles technologies sont apprivoisées.
Une relation de confiance s’est établie avec les partenaires, des process digitaux performants ont été mis en place et la satisfaction « augmentée » des clients commence à se percevoir dans les résultats économiques. Le dirigeant cherche dès lors à s’assurer que l’ETI tire le meilleur de cette transformation, qu’elle capitalise sur cette première victoire.

La réussite de cette première phase de la transformation est célébrée.
Figure de proue de l’entreprise, et sponsor central de cette transformation, le dirigeant remercie les contributeurs par des actes forts et rappelle l’importance que revêt ce sujet dans la stratégie de l’entreprise.
Car, au-delà de partager sa satisfaction avec ses collaborateurs, le dirigeant s’apprête à engager la suite. Pendant que son ETI a grandi et évolué, le marché n’est pas resté immobile, les clients ont de nouvelles attentes qu’il faut prendre en compte.

L’ETI n’est plus la même, elle est prête pour de nouveaux défis.
De nouveaux défis se présentent mais tout est désormais plus facile et plus naturel, les succès rencontrés ayant démontré que les suivants sont possibles et que les bénéfices induits sont riches.
Marqué par la première phase de cette transformation digitale, le dirigeant a conscience que son ETI n’est plus la même. Elle est plus ouverte, plus collaborative, plus efficace sur le développement et la conduite des projets et des évolutions internes.

Cependant, comme le rappelle ses pairs, notre dirigeant-héros sait qu’il doit rester attentif car la transformation digitale est un process permanent qui est déjà rentré dans une nouvelle phase.

Sur le vif

C’est au CEO de détecter les paliers décisifs menant au succès Il faut savoir célébrer les victoires, petites ou grandes À la fin du voyage l’entreprise a changé… mais le monde aussi.
What’s next ?
Il faut recréer de l’envie à travers une vision ajustée Démontrer en quoi nous sommes plus robustes, plus agiles et mieux préparés que jamais pour relever de nouveaux défis Il faut capitaliser sur la première phase pour installer la culture de l’apprentissage et du progrès permanent

Pour voir les conseils du dirigeant à ses pairs

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